L’abstraction me permet d’exprimer le mystère qui entoure toute réalité, je m’attèle surtout à traduire ce va-et-vient entre le dehors et le dedans, révélant ma porosité grandissante face à la constante métamorphose du monde alentour. Pour rejoindre l’en-dedans de notre réalité, je cherche, je risque, j’abandonne l’idée, toujours en quête de ce pertuis qui donnera à voir la lumière qui contrecarre les ombres de notre existence. Je bouscule mon savoir-faire pictural pour me laisser surprendre par ce qui advient et va plus loin.

J'explore la peinture en laissant les superpositions de couleurs révéler les sujets qui m'habitent. Mon travail de mémoire et de traces s’est trouvé exacerbé par le confinement planétaire. Il me fallait exprimer ce sentiment de flottement, ce temps suspendu, nourri de souvenirs emmêlés. C’est pourquoi, à la manière des palimpsestes, je joue avec les strates.

Depuis 2015, je suis « hantée » par cette Méditerranée, loin d’être paisiblement bleue, … par ces migrations humaines. La rencontre avec certains migrants m’a fait ressentir ce qu’ils pouvaient éprouver : L’errance, le désarroi, la confusion… et cet espoir malgré tout. Ma palette est plus violente alors. Mes couleurs se superposent selon des trames plus ou moins serrées faisant apparaitre de manière obsessionnelle des silhouettes ou des visages sans nom. Les racloirs lissent les glacis colorés, effaçant, repoussant ces présences humaines. Mais la force du couteau va faire ré-émerger certains visages en creusant la peinture encore fraiche. La trame éclate, révélant les couches sous jacentes. J’imprime la couleur sur la toile par l’utilisation de mailles de filet jusqu’à faire émerger un visage, une présence. Oui derrière toutes ces barrières, il y a des hommes, des femmes et des enfants,  … Notre humanité ? Mon travail est un voyage intérieur où chacun est invité à entrer, à s’interroger.

Les études 30 x 30cm, réalisées entre 2012 et 2023 sont présentées individuellement ou assemblées en patchwork pour former une composition de 6 / 9 / 12 / 16 / 18 ...carrés au choix. Les autres formats petits formats peuvent être l’objet de composition unique ou séquencée.

Ici le "sujet" : c’est le vide. Et mon travail borde ce vide en plongeant dans la couleur.

J’ai voulu, par cette série rouge faire résonner ce vide, cette faille, ce manque, cette déchirure, cet anonymat, ce décalage de moi à la réalité en l’exprimant principalement par des plans décalés : Blanc/Rouge, Blanc/Ocre.

Toute cette série est construite sur une sous-couche rouge : mort ou vie, violence ou amour ? Seul le regard de l’autre le dira selon son vécu. Cette sous-couche est ensuite traitée par larges superpositions de tons différents. Peu à peu le rouge ou l’ocre s’étoffe, se multiplie, se modifie, s’enrichit. Mon racloir court sur la toile, applique et enlève, je me laisse porter par la magie de la couleur en jouant sur les variations de la gamme. Alors se créent des profondeurs, surgissent des espaces d’ombre où se révèlent une ou plusieurs présences…Présences ou ombres de présence secrète ?

Cette série bleue sur fond noir est construite par superposition de glacis successifs.

Et soudain le blanc. Ces blancs appliqués dans un mouvement vigoureux et cassant, éclaboussent, décalent les plans : Aveuglement de la lumière ? Violence de la coupure ?  Cruauté de la réalité ?  Vide? Trouée? Échappée?

Tout est dans la manière de voir les choses, de les interpréter et de les retranscrire sur le papier ou la toile. La réalité ne suffit pas, il y a le Mystère qui entoure cette réalité qu’il faut mettre en évidence...